’20 jours à Marioupol’ : la guerre au cœur

« My brain will so desperatly want to forget all this. But the camera will not let it happen. » « 20 days in Mariupol » : LE documentaire à voir absolument. Mstyslav Chernov est journaliste, photojournaliste et réalisateur ukrainien. En 2022, il filme son pays en train de sombrer dans une violence inouïe. Le documentaire qui en est issu est à voir en vous connectant (gratuit) sur France.tv https://www.france.tv/films/longs-metrages/5707716-20-jours-a-marioupol.html. Déjà récompensé de nombreux prix du meilleur documentaire 2023 (Pulitzer, BAFTA…), nommé aux Oscars 2024 du meilleur film documentaire, sa sortie au cinéma en France est en cours de programmation.

Une histoire en train de s’écrire
24 février 2022. Vladimir Poutine envahit l’Ukraine. Dès lors, les opérations russes de dévastation commencent. Le journaliste Mstyslav Chernov et ses compagnons de l’Associated press (AP) filment les vingt premiers jours de la guerre à Marioupol, documentent les atrocités qui se déroulent sous leurs yeux, dans leur propre pays. Il s’agit d’être au plus proche de la réalité, de faire son métier, de surmonter l’émotion qui submerge, les terreurs qui sidèrent.

On découvre la Lire la suite de « ’20 jours à Marioupol’ : la guerre au cœur »

À lire : Cet autre, de Kapuscinski

 » Habitants de la planète, nous sommes tous des Autres face aux Autres : moi face à eux, eux face à moi « . (Ryszard Kapuscinski)

Cet Autre, une profonde réflexion sur « ce miroir dans lequel nous nous regardons » : l’Autre. Son auteur, Ryszard Kapuscinski (1932-2007) était un grand reporter polonais. Un écrivain voyageur qui a passé près de 30 ans à couvrir ces événements qui restent dans les vies et l’Histoire, de la fin de l’Afrique coloniale en passant par la chute du Shah d’Iran, de l’Éthiopie au Mozambique, de la Bolivie au Pakistan, à l’Afghanistan… pour l’agence de presse polonaise.

Historien de formation, Lire la suite de « À lire : Cet autre, de Kapuscinski »

Vœux…

Puisqu’il est encore temps, c’est avec cette photo prise à Madagascar que je vous souhaite le meilleur pour cette année 2024.
*Une année qui vous permette de poursuivre votre route ou de défricher de nouveaux chemins, de transition, de réflexion, réparateurs, constructifs !
*Une année de connexion au réel, à « cet autre qui nous ressemble », à cette nature dont nous faisons partie.
*Une année de libération de ces injonctions, nombreuses, qui prennent des allures de règles, d’uniformisation, de barrières arbitraires.
*Une année de distance juste, de lectures sans modération et de culture(s) sans frontières, pour connaître et comprendre, imaginer, prendre le temps…
*Une année riche de rencontres et d’idées partagées, de débats étayés et de clairvoyance, d’actions courageuses, alignées et assumées.
*Une année où l’on se replonge dans la carte du paysage médiatique français du ‘Le Un l’hebdo’ dédié (10 ans d’indépendance et d’existence cette année !), pour réaliser à quel point une presse professionnelle de qualité et diversifiée existe -VS médias de masse- disponible partout : kiosques, librairies, Internet, bibliothèques municipales… 
*Une année de choix et d’usage de mots adaptés et pesés VS fourre-tout réducteurs à trompeurs voire déshumanisants. Osons nommer la pauvreté, la misère, le dénuement, les privations, la détresse, les angoisses pour les siens, la faim, le froid… et pas seulement la « précarité », par exemple. Sans hasard, un autre : « migrant ». La liste est longue.
*Une année où la diversité et la mixité dans toutes leurs acceptions, la singularité sont reconnues comme ‘constitutives de’ et ‘nécessaires à’ toute société et collectif, relèvent du Lire la suite de « Vœux… »

#PJLimmigration, le point de rupture

Le projet de loi « immigration » tel qu’il est sur le point d’être soumis à vote ce soir 19 décembre est pour moi une régression politique, démocratique et sociale immense, le sacrifice de valeurs républicaines sur l’hôtel du Rassemblement Front national, de droits d’êtres humains sur l’hôtel d’une sécurité. Sécurité de quelle nature, de qui et comment ? Quels sont les vision concertée et projet social ? Les conditions de vie, de santé, de protection proposées ? Est-ce là où nous en sommes ? « Négocier » pour qu’un projet de loi composite encore revisité et désormais durci passe avant la fin de l’année parce que cela a assez duré ? Voir ce PJL voté notamment avec les idées d’une ligne dure de la droite et les voix (voix sans lesquelles le PJL ne passerait pas si elles étaient ‘contre‘) d’un parti qui a un poids de plus en plus dangereux pour notre démocratie ? Est-ce ce que vous souhaitez ? Et « qui » en sortira réellement renforcé ?

La crise invoquée n’est pas celle de l’immigration mais celle de l’accueil, de la fraternité, de l’égalité, de l’humanité, du courage Lire la suite de « #PJLimmigration, le point de rupture »

Il y aura…

« Il y aura ce que nous avons été pour les autres, des bribes, des fragments de nous que parfois ils crurent entrevoir.
Il y aura ces rêves de nous qu’ils nourrirent. Et nous n’étions jamais les mêmes. Nous étions chaque fois ces inconnus magnifiques, ces passagers de la nuit qu’ils inventaient, ces idées de nous telles des ombres fragiles dans de vieux miroirs oubliés au fond des chambres, et qui, ajoutées à nos propres rêves, nos propres et inlassables tentatives de nous-mêmes, composeront durant quelques années encore de la vie sur cette terre cette étrange et brillante, et croirait-on inoubliable mosaïque, où rien ni personne ne permettra de dire vraiment qui nous fûmes.
 »

Michèle Desbordes, repris dans le film Les passagers de la nuit, de Mikhaël Hers. Une lueur, le fil rouge d’un film magnifique et enveloppant où soufflent fragilité, douceur et lucidité ; initiation, réparation et liberté.

Docu ‘Bigger than us’ : un appel lumineux à agir

À regarder absolument le 11 sur FRANCE 5 à 21h04, jusqu’au 18 décembre sur France.tv/films/ et toujours via biggerthanus.film : BIGGER THAN US, le documentaire de Flore Vasseur. Un appel lumineux à agir. Car s’engager et faire bouger les lignes dès le plus jeune âge, c’est possible et une réalité partout dans le monde.
Partez à la rencontre de Melati (Indonésie), René (Brésil), Winnie (Ouganda), Mary (Grèce), Mohamad (Liban), Memory (Malawi) et Xiuhtezcatl (Etats-Unis) : 7 jeunes qui agissent, parfois depuis l’âge de 6 ans, pour faire valoir leurs droits et ceux des générations futures, qui dessinent un monde meilleur fait de justice et de dignité, de protection et de réparation. Sans concession. Sans tricherie. Parce qu’on n’a plus le temps d’attendre.

CHANGEMENT : LA JEUNESSE FAIT FACE
La réalisatrice Flore Vasseur les a suivis pour leur donner la parole, mettre en lumière leurs réflexions profondes, leurs réalités de vie et leur action forte, les faire (se) connaître. Leurs engagements ? Sécurité alimentaire, liberté d’expression et d’information, droits des femmes et des filles, pollution environnementale et justice environnementale, inconditionnalité du sauvetage en mer et vie en sécurité, lutte contre la pauvreté, éducation des personnes réfugiées, changement sociétal… Autrement dit, la lutte pour résorber et résoudre toutes les injustices.

CONNECTER, RÉUNIR, RÉPARER, PRÉPARER
Des histoires porteuses d’espoir lucide. Le parti-pris – malgré toutes les difficultés et solitudes vécues par quiconque s’engage face à des défis aussi vitaux qu’immenses dans des contextes de résistance plurielle – est de montrer la générosité, la beauté et les résultats des paroles et des actes que chacun engage et réalise. La condition est la connexion absolue aux autres et au monde. La seule connexion, « réelle », qui vaille.
L’investissement ? Il est avant tout humain. Les risques ? Humains également : jusqu’à Lire la suite de « Docu ‘Bigger than us’ : un appel lumineux à agir »

*Urgence sociale : morts dans la rue

Morts dans la rue. Statut : invisible. Âge moyen : 49 ans. Nombre connu : 624. 624 personnes sont, de nouveau, mortes dans la rue en 2022 selon le dernier rapport du Collectif Les morts de la rue (1). Une situation inhumaine révélatrice de manques très graves en matière de lutte pour l’accès à un logement décent pour tous, pour le respect de la dignité.
 
La hausse absolument indécente des loyers (qu’il faudrait commencer par baisser, a minima dans les grandes villes, avant de les stabiliser), les conditions d’accès locatives aussi inégalitaires que déconnectées de nombreuses réalités de vie et de ressources, le manque de structures d’habitat stable de transition pour les personnes à la rue VS hébergement abri d’urgence, le nombre vertigineux d’hommes / femmes / enfants (!) à la rue et sans logement personnel (voir rapport Fondation Abbé Pierre cité plus bas (2), le renforcement des inégalités globales sont autant de défis face auxquels lutter, améliorer et résoudre. Car tout est interconnecté : logement, emploi, santé, éducation et formation (au sens large), environnement (au sens large également).

L’enjeu n’est pas de « vivre le moins mal possible » ou pire, de « mieux vieillir » (je l’ai lu, je n’aurais pas osé l’inventer) dans la rue, mais de ne pas/plus vivre dans la rue : on ne vit pas dans la rue, on SURvie. Et parfois, on y meurt.
 
Laisser des personnes vivre dans la rue, en situation de précarité, de danger, est une infraction tolérée à la Déclaration universelle des droits de l’Homme.


SOURCES OFFICIELLES
1Le dernier rapport du Collectif Les morts de la rue : https://www.mortsdelarue.org/IMG/pdf/Rapport_CMDR_2022.pdf
2Pour mémoire, le dernier rapport annuel du Mal logement en France (Fondation Abbé Pierre)
https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2023-04/REML2023_WEB_DEF.pdf

Les mots justes

#israel #palestine #monde Zeruya Shalev et Karim Kattan sont écrivains. L’une est israélienne. L’autre palestinien. Tous deux ont écrit cette semaine une tribune dans Le Monde*. Tous deux étaient sur France culture* ce matin, entre autres nombreuses interventions. Tous deux sont façonnés par l’histoire de leur pays, dans leur vie, leur famille, leur chair et leur cœur.

Leurs voix sont la nuance et une pensée critique face à l’émotion et aux déflagrations : des mots pesés, profonds, puissants, riches, saisissants. Face à l’inhumain, aux atrocités et à l’horreur, à l’incompréhensible, à l’indicible, ils interpellent et invitent à réfléchir, s’informer, prendre de la hauteur. De cette hauteur synonyme de connaissance, d’intelligence et de dialogue, de résistance(s) à poursuivre pour la paix, la démocratie, l’humanité.

Leurs voix sont également Lire la suite de « Les mots justes »

« L’océan vu du cœur », le pouvoir d’agir

À voir au cinéma : L’Océan vu du cœur*. Ce documentaire n’est pas un énième film sur le sujet mais un partage exceptionnel de savoirs, images inédites et témoignages pour une compréhension de tous ses enjeux : vital, scientifique, politique, économique, sanitaire, alimentaire, sociologique, juridique. Pour un émerveillement absolu face à un monde quasi inconnu d’une beauté puissante et régénérante qui nous dépasse. Pour l’urgence de faire de notre humanité « la responsable de la protection des océans pour l’ensemble du vivant ». Si Hubert Reeves ouvre le film, il est associé à de nombreux acteurs** qui vivent, observent, révèlent, soignent l’Océan, qui interpellent et sensibilisent, agissent et transmettent.

Biologistes, chercheurs, juristes, plongeurs, pêcheurs, membres d’ONG et associations, citoyens concernés… Engagés, ces femmes et hommes inspirants offrent une expérience complémentaire, indispensable pour comprendre, connaître et agir en faveur d’une vie (sous-)marine d’une intelligence et capacité de régénération exemplaires face à laquelle nous sommes… de passage. Et sur ce point, sans moralisation mais avec la fermeté due à l’urgence, L’océan vu du cœur met en lumière les risques, menaces et dégâts quotidiens face auxquels lutter sans relâche : destruction des milieux et des espèces ; pollution et dissémination ; surexploitation, surpêche, gaspillage de ressources ; effets du changement climatique et impacts négatifs sur le vivant dont les populations.

Tous les écosystèmes planétaires dépendent en grande partie des écosystèmes marins. La survie du vivant en dépend et dépend aujourd’hui de nous. Des solutions existent, sont mises en œuvre et aboutissent. Il s’agit d’un questionnement sur notre place, notre rapport à la nature, au vivant, au droit et au permis de vivre que nous souhaitons laisser en héritage. Il s’agit du Lire la suite de « « L’océan vu du cœur », le pouvoir d’agir »

Inceste et violences sexuelles sur mineurs : l’urgence d’agir

– Interview et photos ©Virginie de Galzain. Mise à jour septembre 2023 : depuis cet entretien (02/2019), Christine Visnelda Douzain a rejoint le centre médico-psychologique (CMP) de La Possession : l’Unité de psychotrauma et centre de ressources NOE (Nord-Ouest-Est) de La Réunion (EPSMR de Cambaie) dont elle était alors responsable a été détruite dans sa forme initiale au premier trimestre 2022.  Parce que l’urgence est permanente et vitale, parce que la prévention et l’information sont primordiales, je remets en une cet entretien aussi riche qu’essentiel.

Silence, on viole. En France, au moins 4 millions de personnes ont été victimes d’inceste. Et on estime qu’un enfant est victime de viol ou de violences sexuelles toutes les 3 minutes dans notre pays. Une vérité inacceptable qui révèle un déni de réalité et des défaillances très graves en matière de protection, de prévention, de justice et d’accès aux soins. Une « bombe à fragmentation » qui ravage tout à l’intérieur comme à l’extérieur de soi, de façon immédiate et à retardement.

Plusieurs départements de la moitié Nord de l’Hexagone et d’Outre-Mer sont parmi les plus touchés. Engagée, Christine Visnelda Douzain est psychiatre responsable de l’Unité de psychotrauma et centre de ressources NOE (Nord-Ouest-Est) de La Réunion (EPSMR de Cambaie) dans sa forme initiale (voir mise à jour) jusqu’à 2022. Depuis plus de 20 ans, elle soigne et accompagne des femmes, des hommes, des enfants qui ont été victimes d’inceste et de violences sexuelles, qui ont grandi avec ces traumatismes à vie. Lors d’une interview qu’elle a bien voulu m’accorder, Christine Visnelda Douzain brise le silence. Elle alerte sur les détresses vécues, leurs conséquences et les urgences vitales de ce combat sanitaire et humain. Elle rappelle qu’il est possible de « dire », de se faire aider, soigner. Elle nous parle aussi d’un projet culturel de sensibilisation innovant : la pièce Quelque chose, en cours de déploiement à La Réunion.

* * *

L’INTERVIEW
GENÈSE D’UN ENGAGEMENT
Christine Visnelda Douzain : « Je suis venue à La Réunion juste après ma thèse de doctorat et mon diplôme d’études spécialisées (DES) de psychiatrie. J’ai commencé à travailler au Service médico-psychologique régional (SMPR), une structure hospitalière et unité à vocation psychiatrique destinée à soigner et accompagner les détenus au sein des prisons. Là, j’ai découvert que beaucoup de personnes – des homme à 90% – étaient incarcérées pour avoir commis viols et inceste ; et qu’eux-mêmes avaient été victimes de violences, de maltraitances et de carences affectives graves. À l’époque, je me souviens m’être notamment demandé pourquoi je n’avais rencontré qu’une victime en quatre ans de spécialisation. La réponse est venue rapidement.

Je suis ensuite partie m’occuper d’une unité qui proposait 50% d’accueil d’urgences psychiatriques et 50% de travail auprès de personnes souffrant de problèmes liés à la dépendance à l’alcool qui cachaient parfois une souffrance plus ancienne et profonde. Peu à peu, tout s’est mis en place et j’ai intégré pendant 18 ans la Cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) dont je suis devenue responsable. En 2005, une consultation en psychotrauma est créée dans le nord de l’Île pour offrir un suivi sur du plus long terme. Puis une autre dans le Sud. L’ensemble des rencontres faites sur le terrain et le dispositif de la CUMP ont guidé ma spécialisation dans le trauma et mes engagements médicaux et humains.

INCESTE ET VIOLENCES SEXUELLES : TOUS CONCERNÉS
C.V-D. : Dès la première année, nous accueillons à l’unité des patients qui ont subi majoritairement des violences sexuelles dans l’enfance, essentiellement des femmes. Cela ne va jamais cesser d’augmenter (jusqu’à 60% aujourd’hui), sans que nous ayons eu une stratégie de soins orientée en ce sens (au départ). Nous n’avions en effet pas conscience de l’ampleur du problème à cette époque. Les femmes que nous recevons – et de plus en plus les hommes – viennent spontanément ou nous sont adressées par des professionnels de santé, du réseau associatif ou du champ social. Ces personnes sont de tout âge, de toute condition et de toute origine sociale. La moyenne a entre 30 ans et 50 ans et 90% d’entre elles ont été victimes d’inceste. Nous suivons aussi des enfants, parfois dès l’âge de 4 ans, parfois plus jeunes.

Dans le récit des personnes accueillies, on se rend compte que, où qu’elles vivent, trouver un lieu de soin ou d’écoute approprié est un parcours du combattant. Que ce soit chez leur médecin, le gynécologue ou le pédiatre par exemple, elles ont l’impression que l’on passe à côté de leurs signaux d’alerte ou qu’elles ne sont pas prises au sérieux. Faute de formation suffisante pour détecter, soigner ou a minima orienter, le corps médical se sent la plupart du temps impuissant et ne fait pas par peur de faire mal. Parfois, il va orienter vers un psychiatre qui va faire un diagnostic non conforme et aggravant. Une situation d’autant plus alarmante que ce sujet est tabou.

evocation©Virginie de Galzain

DES ANNÉES AVANT D’OSER « DIRE »
C.V-D. : Il faut savoir qu’entre le premier viol et l’aveu, il se passe en moyenne 16 ans. Longtemps, les victimes – femmes et hommes – ont été dans le silence, que ce soit pour trouver une Lire la suite de « Inceste et violences sexuelles sur mineurs : l’urgence d’agir »

A (re)voir : ‘I’m not your negro’, le puissant documentaire de Raoul Peck

* 25 mai 2020, George Floyd meurt étouffé par un policier à Minneapolis. Pour mémoire. Pour acte !

« On ne peut pas changer tout ce qu’on affronte, mais rien ne peut changer tant qu’on ne l’affronte pas. L’Histoire n’est pas le passé, c’est le Présent. Nous portons notre histoire avec nous. Nous sommes notre histoire. » – James Baldwin

À voir si ce n’est déjà fait : I’m not your negro /Je ne suis pas votre nègre, de Raoul Peck est rediffusé sur Arte du 5 au 23 juin 2020 puis en VOD. Inédit dans sa démarche et dans sa forme, ce film documentaire exceptionnel offre un nouvel éclairage sur un combat fondamental et sur des acteurs de ce combat : celui d’hommes et de femmes afro-américains violemment déniés jusque dans leur condition humaine, qui ont lutté pour le droit de vivre à égalité, qui sont morts pour avoir accès aux mêmes droits – civiques et humains, sociaux et politiques – que les Blancs d’Amérique. Racontées via l’écrivain engagé James Baldwin, les luttes de Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King sont vivantes, présentes et doivent nous maintenir en éveil. Les mots d’une totale justesse, les paroles fortes résonnent particulièrement et offrent une mise en perspective avec les heures politiques, sociétales, humaines que « nous » (au sens mondial du terme) vivons.

Rétabli dans son contexte, chaque élément d’information associe richesse, esthétique, exigence, respect et sens : de la sélection des images fixes et animées à l’impact de la voix off et des musiques. Tout participe au devoir de mémoire et à l’importance du témoignage de cette Histoire qui continue de s’écrire. Au-delà de la peur et du rejet de la différence, de la négation de l’Autre, de la création de dangers imaginaires récurrents qui nous détournent des réelles menaces du Vivant et de la Paix, Raoul Peck/James Baldwin posent des questions essentielles : quel sens voulons-nous donner à nos vies et quel avenir souhaitons-nous préparer et construire ?

Il nous appartient aujourd’hui de faire face à l’Histoire : d’agir ensemble d’urgence contre toute forme d’extrême et de violence qui sclérose, oppose, isole, déshumanise, exclut, détruit, tue. De tracer ensemble les voies vers un monde plus juste, plus vivable, plus habitable.

_
> Sur Arte du 5 au 12 > prolongé > 23 juin 2020
– puis en DVD : I’m not your negro, de Raoul Peck

– ou en VOD sur https://www.universcine.com/films/i-am-not-your-negro
– le livre, Poche 10/18
> Télécharger le dossier de présentation : le pdf


 

Le post original a été publié le 10 mai 2017 à l’occasion de la sortie du documentaire au cinéma https://vdegalzain.wordpress.com/2017/05/10/16238

Enfance en danger : on peut tous agir

© Virginie de Galzain

Violences physiques, psychiques, sexuelles, négligences, inceste. En ces temps de confinement, les enfants sont encore plus exposés et n’ont plus personne d’extérieur vers qui se tourner, à qui parler. Le risque est d’autant plus élevé dans les foyers/familles où existent des violences conjugales.

PAR TÉLÉPHONE : LE 119
Joignable 24h/24 et 7j/7, le 119 est un numéro d’appel anonyme, gratuit pour tous (France – Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, Réunion inclus), pour signaler toute forme de violence subie ou faite à un enfant, une situation à risque, être écouté et se faire aider pour agir le mieux possible.

SUR INTERNET
Si vous ne pouvez pas appeler pour x raisons, vous pouvez contacter le 119 via un formulaire en ligne sur Internet https://www.allo119.gouv.fr/recueil-de-situation

EN CAS D’URGENCE
En cas de danger grave et immédiat estimé d’un mineur, appelez sans attendre un numéro d’urgence : la police ou la gendarmerie (17), les pompiers (18) ou le 112. Le 114 par SMS pour les personnes sourdes et malentendantes.

INFORMER POUR MIEUX PRÉVENIR
­­­­
• Tous les lieux qui accueillent des mineurs doivent afficher visiblement le 119 et ses modalités d’accès. (À ce titre, tous les médecins devraient avoir l’affiche dans leur salle d’attente, idem pour le numéro Violences Femmes info 3919). Les affiches et documents pédagogiques sont envoyés gratuitement sur demande.
• Au moins une fois par an, le sujet doit être évoqué dans les établissements scolaires lors de la Journée internationale des droits de l’enfant (20 novembre), en cours d’Enseignement moral et civique (EMC)…
• Des séances de sensibilisation gratuites sont dispensées par les Jeunes ambassadeurs des droits de l’enfant (JADE), des jeunes en Service civique formés par le Défenseur des Droits.


RÉCAP CONTACTS

– Par téléphone : le 119
– Sur Internet, via le formulaire > https://www.allo119.gouv.fr/recueil-de-situation
– Les numéros d’urgence : la police ou la gendarmerie (17), les pompiers (18) ou le 112. Le 114 par SMS pour les personnes sourdes et malentendantes.
> Le site du 119 : www.allo119.gouv.fr
> Le site de l’Observatoire national de la protection à l’enfance https://www.onpe.gouv.fr/
> En savoir plus sur les JADE : https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/les-jeunes-ambassadeurs-des-droits-jade

> À LIRE SUR CE BLOG > l’interview de Christine Visnelda-Douzain, psychiatre et responsable d’une unité de psychotrauma à La Réunion

Harcèlement scolaire : LE documentaire d’utilité publique

Le harcèlement scolaire, cela nous concerne tous. Au moins 10% des élèves touchés chaque année en France (plus de 1,2 million d’enfants et adolescents). Des impacts psychiques et/ou physiques très graves sur chaque enfant, chaque famille, allant du profond mal-être au suicide.
Pour mieux comprendre et parce que ce sont eux qui en parlent le mieux, regardez ‘Souffre-douleurs, ils se manifestent‘, un documentaire d’utilité publique d’Andrea Rawlins-Gaston (agence CAPA, j’espère qu’il restera en ligne) qui laisse la parole à 6 jeunes ainsi qu’à plusieurs parents. Des témoignages essentiels pour informer et alerter, mobiliser, prévenir et protéger. C’est éprouvant, choquant mais nécessaire tant cela dépasse ce que l’on peut imaginer. Tant c’est urgent et vital. Chacun de nous est un maillon de la chaîne et peut agir.

DES NUMÉROS D’URGENCE ANONYMES ET GRATUITS
Ces numéros d’urgence sont à connaître/contacter/transmettre. Vous y trouverez écoute, réponses et orientation vers les acteurs proches de chez vous.
– Le 3020 : vous êtes victime de harcèlement scolaire ou témoin, avez un enfant, un ami, un proche, un élève concerné : dès le premier acte subi, au moindre doute, appelez le 3020, un numéro d’appel anonyme et gratuit (du lundi au vendredi de 9h à 20h). Mise à jour 2023 : le 3018 devient le numéro unique en cas de harcèlement scolaire et/ou cyber-harcèlement, accessible 7j./7 de 9h à 23h. Sans oublier le 119 (24h/24, 7j./7), numéro d’urgence pour les -21 ans en danger victimes de toute forme de violence . Important : conformément à l’article L 226-8 du CASF, l’affichage du 119 est obligatoire dans tous les établissements et services recevant de façon habituelle des mineurs.
– Le 0800 200 000 : en cas de cyber-harcèlement

S’INFORMER ET AGIR
Vous êtes scolarisé et vous souhaitez devenir ambassadeur dans votre collège ou votre lycée : infos auprès de vos enseignants, CPE, responsable d’établissement et sur https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/ressources/devenir-ambassadeur-au-lycee/
– Vous souhaitez en savoir plus, faire intervenir une association, organiser un atelier sensibilisation, vous former… : informations, guides, outils de sensibilisation sur nonauharcelement et via le site du Conseil de l’Europe.


À  savoir : le harcèlement scolaire, ce sont des insultes, humiliations, coups, rumeurs, mises à l’écart infligés à un élève de façon répétée, le plus souvent sur une longue période, de la part d’un ou plusieurs autres élèves. La loi punit le harcèlement scolaire, mais aussi les violences scolaires et la provocation au suicide.

À voir : ‘Camille’, de Boris Lojkine

Le 12 mai 2014, la photojournaliste Camille Lepage est tuée en Centrafrique en plein conflit. Avec son film Camille, le cinéaste Boris Lojkine réalise un très beau, réaliste et juste portrait de femme photographe guidée par ses idéaux ; un témoignage hommage à la Centrafrique aussi, où le film a été tourné.

Terre d’oubliés, la Centrafrique était devenue le lieu de vie de Camille après plusieurs années au Sud Soudan. Une seconde patrie alors plongée dans des violences intercommunautaires extrêmes entre la Seleka et les anti-Balaka, où elle partageait le quotidien de celles et ceux dont elle révélait les réalités en images. À 26 ans, elle était informée, talentueuse et engagée. Passionnée par l’image, elle était guidée voire obsédée par la nécessité de témoigner au nom de ceux qui souffrent et que le monde délaisse, ignore ou condamne au silence et à l’oubli, du moins tant que cela ne fait pas vendre.

Car c’est aussi cela être photographe quand on sait que c’est « là » que l’on doit être. Faire corps avec ce qui vous entoure, saisir des instants, vivre. Et garder vivant ce que d’autres ne voient pas ou plus. Ce que d’autres aimeraient cacher. C’est avoir les yeux ouverts sur le monde ; tenter de comprendre pourquoi on en est là, de faire bouger les lignes. Quitte à y perdre chaque fois un peu de soi-même. La vérité exige du courage. La vérité, quelle qu’elle soit, a toujours un prix.

Le film évoque aussi de nombreuses questions, contradictions, certitudes et doutes auxquels un.e photographe peut être confronté.e (outre sa place dans un métier encore très masculin quand on est une femme). La distance avec le sujet et ce que l’on appelle l’éthique. La nécessité d’informer et son impact. La notion d’actualité quand elle devient condition de publication et ce que cela implique dans notre façon de travailler et de vivre. Et l’exigence de répondre à des questions essentielles : ce que l’on veut dire, comment et pourquoi. Camille Lepage y avait répondu, sans concession.


• Le Site de Camille Lepage https://camille-lepage.photoshelter.com, notamment un extrait de son travail en Centrafrique
• Le site de l’association « Camille Lepage, on est ensemble » http://www.camillelepage.org
• L’interview de Boris Lojkine sur le film et sa démarche https://www.telerama.fr/cinema/camille-lepage-a-donne-sa-vie-pour-la-centrafrique

SOS Méditerranée #BackAtSea

SOS MÉDITERRANÉE repart en mer ! Parce que chaque vie compte. Quelles que soient ses idées, ses opinions, aucune ne justifie de laisser mourir en mer ou sur terre des hommes, des femmes et des enfants qui fuient pour vivre en paix.
.

Médecins sans frontières (MSF) reste le partenaire notamment médical et humanitaire de l’association avec médecin, sage-femme, infirmier.es… à bord. Le nouveau bateau (L’Océan Viking) est enregistré comme cargo auprès du Registre international norvégien (NIS), et bat pavillon norvégien. En savoir plus sur > www.sosmediterranee.fr

‘Une prière à la mer’ : le cri d’humanité de Khaled Hosseini

 » J’ai entendu que nous étions les indésirables. Les importuns.
Que nous devrions emmener notre malheur ailleurs »

« Une prière à la mer », un petit livre pour tous, cri de révolte et d’humanité de l’écrivain Khaled Hosseini (Les Cerfs-volants de Kaboul entre autres). À tous les petits Alan Kurdi. Pour se souvenir chaque jour que chaque vie compte. Quelles que soient ses idées, ses opinions, aucune ne justifie de laisser mourir en mer ou sur terre des personnes qui fuient pour vivre en paix.

Lire la suite de « ‘Une prière à la mer’ : le cri d’humanité de Khaled Hosseini »

Stress post-traumatique de guerre : un combat vital

*Interview et photos : Virginie de Galzain

« Parler est indispensable. Cela épargne des souffrances insupportables et irréversibles » – Michaël Crépin

En 2009, alors qu’il est en opération extérieure pour 6 mois en Afghanistan, Michaël Crépin, légionnaire français, fait face à la mort – dont la sienne – avec une violence inédite. Pourtant conscient d’avoir « traversé une situation d’une dureté inimaginable », il « verrouille » et commence malgré lui une longue guerre contre lui-même. Le stress post-traumatique (SPT) ? Il ne sait pas ce que c’est. Et quand on pose ces trois lettres sur son état, il n’est guère plus avancé. Pendant plusieurs années, la destruction opère et ronge des vies : la sienne et celle de sa femme, Mercédès, qui lutte elle aussi pour préserver ce qui reste de vivant entre eux. De la honte ressentie à l’impossible aveu dit « de faiblesse » succèdent l’obligation de faire face puis une lueur d’espoir. Dix ans après le jour qui a changé leur vie, Mercédès et Michaël Crépin se livrent dans Un bon petit soldat*, édité chez Flammarion. Entretien à deux voix.

post_stress post traumatique_virginie de galzain
©Virginie de Galzain

V. de G. : Pouvez-vous vous présenter ?
– Michaël Crépin : Michaël Crépin, blessé de guerre.
– Mercédès Crépin : Mercédès Crépin, épouse d’un ancien légionnaire. Je lutte pour la reconnaissance de la blessure psychique et du stress posttraumatique (SPT). Pour l’amélioration de l’accompagnement et de l’indemnisation des blessés et de leur famille. Je suis aussi en phase de reconstruction personnelle et professionnelle, en tant que femme détruite par ce combat – car ce combat détruit.

• Quel a été le point de départ de ce livre ?
Michaël C. : Je voulais informer le plus grand nombre des dégâts collatéraux terribles de la guerre dont ne parlent pas les militaires blessés. Parce que « c’est comme ça ». Or, si nous (Mercédès et moi) n’en parlons pas, si je n’en parle pas, qui en parlera ? Le stress post-traumatique est une réalité qui touche de nombreux militaires, quel que soit le grade. Une blessure invisible liée à une confrontation violente avec la mort ; une déflagration qui vous brûle à petit feu. Il est temps que les choses bougent.
– Mercédès C. 
:
Ce livre est mon ultime preuve d’amour pour mon mari. Pour mettre des mots sur ses blessures. Pour que cela devienne une force pour lui.

• La reconnaissance des blessures psychiques ressemble à un parcours du combattant. Où en êtes-vous ?
– Mercédès C. : Même si une prise de conscience s’est amorcée depuis l’Afghanistan, encore trop peu de choses ont concrètement et durablement évolué. Cette situation est inacceptable et effroyable car de nombreuses vies sont en jeu : celles des militaires concernés, de leur famille, femme ou mari, enfants. En plus de combattre des démons, d’essayer simplement de survivre, ils doivent se battre administrativement à coups d’expertises : cinq, six… Sans compter les heures de trajet pour raconter à chaque psychiatre les sources du traumatisme, revivre ce qui s’est passé, se justifier.
– Michaël C.
 :
Tout d’abord, je tiens à rappeler que je ne regrette rien de ce que j’ai fait. J’ai trouvé une famille au sein de la Légion, des frères d’armes. Mais je me suis aussi senti abandonné, blessé au-delà de mes blessures traumatiques, humilié. Car la reconnaissance de nos blessures, de nos droits sont des combats immenses et non des acquis. Il peut se passer des années avant d’être reconnu voire indemnisé.
Les dossiers ne sont pas transmis, et chaque nouvelle expertise est comme une remise à zéro. Je vis cela comme un manque de respect et au-delà, d’humanité. Mon dernier dossier en cours ne sera sans doute pas traité avant 2020. En raison de la lourdeur des procédures, nombreux sont ceux qui se découragent et se privent, de fait, d’indemnités légitimes. Les blessés, les familles n’ont pas le temps d’attendre. J’ai la chance d’avoir un foyer stable, une femme à mes côtés, mais tous ne l’ont pas. Comment revivre dans ces conditions ?

• Comment avez-vous survécu, seul et ensemble, à cette épreuve qui ravage tout ?
– Michaël C. : J’ai longtemps été dans la méconnaissance et le déni de ce qui m’arrivait. J’ai tout gardé en moi aussi longtemps que j’ai pu, du moins ce que je pouvais garder. Ce sont des signes extrêmes qui ont fini par m’alerter que trop c’était trop : une importante perte de poids, des ulcères, entre autres…
– Mercédès C.
 :
Avec le recul, je ne sais pas comment j’ai tenu. Je ne voulais rien céder, juste tout faire pour garder notre couple en vie. C’était aussi une façon de préserver mon mari. 

• Les manifestations du SPT sont multiples et graves. Ses conséquences sur le quotidien insurmontables sans aide. Quelle forme cela a-t-il pris dans votre situation ?
– Michaël C. : Je me suis mis à boire, beaucoup, avec tout ce que cela implique sur la santé, le comportement, la perte de contrôle de soi. J’ai rapidement commencé à faire des cauchemars, de ceux qui vous hantent et vous réveillent dans des situations de stress ou de peur intenses. Le moindre bruit brutal ou son ressemblant à un tir (feux d’artifice…) me basculait immédiatement sur un territoire d’opération extérieure, était une correspondance avec les traumatismes vécus et provoquait des réactions complètement disproportionnées. Une déconnexion avec la réalité, avec moi et les autres aussi.
C’est comme si vous viviez avec Lire la suite de « Stress post-traumatique de guerre : un combat vital »

Inceste et violences sexuelles sur mineurs : l’urgence d’agir

– Interview et photos ©Virginie de Galzain. Mise à jour septembre 2023 : depuis cet entretien, Christine Visnelda Douzain a rejoint le centre médico-psychologique (CMP) de La Possession : l’Unité de psychotrauma et centre de ressources NOE (Nord-Ouest-Est) de La Réunion (EPSMR de Cambaie) dont elle était alors responsable a été détruite dans sa forme initiale au premier trimestre 2022.  Parce que l’urgence est permanente et vitale, parce que la prévention et l’information sont primordiales, je remets en une cet entretien aussi riche qu’essentiel.

Silence, on viole. En France, au moins 4 millions de personnes ont été victimes d’inceste. Et on estime qu’un enfant est victime de viol ou de violences sexuelles toutes les 3 minutes dans notre pays. Une vérité inacceptable qui révèle un déni de réalité et des défaillances très graves en matière de protection, de prévention, de justice et d’accès aux soins. Une « bombe à fragmentation » qui ravage tout à l’intérieur comme à l’extérieur de soi, de façon immédiate et à retardement.

Plusieurs départements de la moitié Nord de l’Hexagone et d’Outre-Mer sont parmi les plus touchés. Engagée, Christine Visnelda Douzain est psychiatre responsable de l’Unité de psychotrauma et centre de ressources NOE (Nord-Ouest-Est) de La Réunion (EPSMR de Cambaie). Depuis plus de 20 ans, elle soigne et accompagne des femmes, des hommes, des enfants qui ont été victimes d’inceste et de violences sexuelles, qui ont grandi avec ces traumatismes à vie. Lors d’une interview qu’elle a bien voulu m’accorder, Christine Visnelda Douzain brise le silence. Elle alerte sur les détresses vécues, leurs conséquences et les urgences vitales de ce combat sanitaire et humain. Elle rappelle qu’il est possible de « dire », de se faire aider, soigner. Elle nous parle aussi d’un projet culturel de sensibilisation innovant : la pièce Quelque chose, en cours de déploiement à La Réunion.

* * *

GENÈSE D’UN ENGAGEMENT
Christine Visnelda Douzain : « Je suis venue à La Réunion juste après ma thèse de doctorat et mon diplôme d’études spécialisées (DES) de psychiatrie. J’ai commencé à travailler au Service médico psychologique régional (SMPR), une structure hospitalière et unité à vocation psychiatrique destinée à soigner et accompagner les détenus au sein des prisons. Là, j’ai découvert que beaucoup de personnes – des homme à 90% – étaient incarcérées pour avoir commis viols et inceste ; et qu’eux-mêmes avaient été victimes de violences, de maltraitances et de carences affectives graves. À l’époque, je me souviens m’être notamment demandé pourquoi je n’avais rencontré qu’une victime en quatre ans de spécialisation. La réponse est venue rapidement.

Je suis ensuite partie m’occuper d’une unité qui proposait 50% d’accueil d’urgences psychiatriques et 50% de travail auprès de personnes souffrant de problèmes liés à la dépendance à l’alcool qui cachaient parfois une souffrance plus ancienne et profonde. Peu à peu, tout s’est mis en place et j’ai intégré pendant 18 ans la Cellule d’urgence médico psychologique (CUMP) dont je suis devenue responsable. En 2005, une consultation en psychotrauma est créée dans le nord de l’Île pour offrir un suivi sur du plus long terme. Puis une autre dans le Sud. L’ensemble des rencontres faites sur le terrain et le dispositif de la CUMP ont guidé ma spécialisation dans le trauma et mes engagements médicaux et humains.

INCESTE ET VIOLENCES SEXUELLES : TOUS CONCERNÉS
C.V-D. : Dès la première année, nous accueillons à l’unité des patients qui ont subi majoritairement des violences sexuelles dans l’enfance, essentiellement des femmes. Cela ne va jamais cesser d’augmenter (jusqu’à 60% aujourd’hui), sans que nous ayons eu une stratégie de soins orientée en ce sens (au départ). Nous n’avions en effet pas conscience de l’ampleur du problème à cette époque. Les femmes que nous recevons – et de plus en plus les hommes – viennent spontanément ou nous sont adressées par des professionnels de santé, du réseau associatif ou du champ social. Ces personnes sont de tout âge, de toute condition et de toute origine sociale. La moyenne a entre 30 ans et 50 ans et 90% d’entre elles ont été victimes d’inceste. Nous suivons aussi des enfants, parfois dès l’âge de 4 ans, Lire la suite de « Inceste et violences sexuelles sur mineurs : l’urgence d’agir »

En quelques mots…

« Quand on rêve seul, ce n’est encore qu’un rêve, quand on rêve à plusieurs, c’est déjà la réalité. L’utopie partagée est le ressort de l’histoire ». – Helder Camara.

Puisqu’il est encore temps, je vous souhaite à tous une année pleine de moments de douceur avec vos proches, de santé et de projets enthousiasmants. Je nous souhaite aussi de rester clairvoyants pour mieux défendre et préserver nos droits et libertés ; de déployer nos énergies pour plus de bienveillance et d’humanité, d’équité et de paix.  Une année menée par ces utopies concrètes qui permettent d’avancer, d’un avenir incertain vers de meilleurs futurs.

Stop aux violences sexuelles faites aux enfants

80 % des violences sexuelles faites aux moins de 10 ans sont commises par des proches.

 » Stop aux violences sexuelles faites aux enfants  » !, le livret pédagogique réalisé par Bayard Jeunesse avec l’aide de nombreuses associations*. Un livret pour informer les enfants sur les situations qui doivent les alerter et qui leur donne des conseils pour bien réagir, pour oser dire. Que ce soit sur Internet, avec son entraîneur ou son oncle préféré, il y a des comportements d’adultes qui ne sont pas « normaux » et qui représentent un danger. Des comportements dont il faut parler pour se protéger. Évoquées en BD, ces situations permettent de s’identifier facilement.

Un enfant mineur est violé toutes les 3 minutes en France. Et près de 4 millions de personnes ont été victimes d’inceste dans notre pays. Il est urgent d’agir ! Parce que tout le monde – quels que soient l’origine, le genre, la religion, le milieu social – peut être concerné ; parce qu’être informé est la meilleure des préventions, ce petit livret est à partager et à lire avec les enfants sans modération, à l’école comme à la maison. Les vies d’enfants puis d’adultes, les vies de familles, présentes et en devenir en dépendent.

livret stop violences sexuelles faites aux enfants

– Le site de Bayard Jeunesse : https://www.bayard-jeunesse.com/actualites
– Le 119 : le numéro d’appel gratuit, jour et nuit et confidentiel, pour les enfants et leurs proches pour signaler toute forme de violence faite à un enfant et se faire aider. En savoir plus sur  www.allo119.gouv.fr/
– Les vidéos associées au livret https://www.youtube.com/watch?v=HoLMc3dlVqQ


*Un livret réalisé avec l’aide de la Fondation Action Enfance, les Apprentis d’Auteuil, le Bureau international catholique de l’enfance, le Centre de victimologie pour mineurs, Enfance et partage, l’Unicef, les Scouts et guides de France, SOS Villages d’enfants, la Croix, l’UCPA et la Fondation Meeschaert. Il a reçu le soutien du Défenseur des Droits

ONG ‘More than me’ : l’enquête

Investigation : à voir et à lire « UNPROTECTED », une enquête du TIME et de ProPublica sur l’ONG américaine « More Than Me », engagée pour la scolarisation des filles. Une ONG dont le cofondateur, aujourd’hui décédé, a commis pendant plusieurs années des viols répétés sur des filles scolarisées dans leur école (bidonville de Monrovia, Liberia). Une ONG qui savait et dont la fondatrice et plusieurs de ses membres ont refusé d’admettre la vérité et d’agir en conséquence. Et ce n’est pas tout.

.
Présenté lors du festival du film d’investigation Double exposure, le documentaire pose la question de l’immense responsabilité des personnes qui agissent au nom de l’amélioration des conditions de vie, de la protection de vies humaines tout en laissant commettre / commettant l’irréparable. Elle interroge aussi sur la nécessité de rester vigilant vis à vis de ceux qui se disent « humanitaires » sans en avoir les compétences ni l’éthique et semblent investis à tout prix d’une mission de sauveur en faveur de populations fragiles : « A lot of time, people come from outside and they underestimate the power of Liberians. They think that we are all stupid people with little or no education. Our system is fragile and they can get away because their skin is white  » (Iris M., infirmière à MTM).

Il interpelle par extension sur le fait que partout dans le monde, la lutte contre toute forme de violence doit être poursuivie ; que chacune de ces violences, particulièrement les violences sexuelles commises à l’encontre des enfants, par qui que ce soit (notamment les humanitaires, militaires, dignitaires, enseignants, éducateurs, ecclésiastiques, médecins, parents au sens large… NDLR) doit être fermement punie par une loi. La protection physique et psychologique des enfants, la garantie de leur accès aux droits fondamentaux et au bien-être afin qu’ils grandissent dans de bonnes conditions sont une priorité absolue.


• Lire l’enquête sur le site du TIME : http://time.com/longform/more-than-me-investigation/
• En savoir plus sur ProPublica : https://www.propublica.org/about/
• Double Exposure : https://doubleexposurefestival.com/

PHOTO Ara Güler : hommage

Hommage à Ara Güler, membre de l’agence Magnum disparu hier. Photographe de 50 ans d’histoire d’Istanbul et de ses habitants, portraitiste extraordinaire, cet amoureux de la vie était un peintre sensible du réel et des hommes. Il laisse un trésor d’images, d’une force et d’une profondeur magique, une mémoire sociale inégalée. Voir le très beau documentaire qui lui a été consacré, disponible sur Viméo.

Également, le livre Istanbul, Ara Güler, photos Ara Güler, texte Orhan Pamuk, éd. du Pacifique

#saveaquarius ! Retour sur un rassemblement citoyen

Paris, place de la République. En réponse à l’appel à mobilisation citoyenne #saveaquarius, des milliers de personnes sont venues manifester leur soutien à SOS Méditerranée et à la poursuite des missions de sauvetage en mer de l’Aquarius. À leurs côtés, plusieurs personnalités et acteurs phares d’ONG et d’associations sont intervenus.

#saveaquarius paris ©Virginie de Galzain

En images et en textes, retour sur le rassemblement parisien du 6 octobre, un diaporama à voir et à partager. Extrait d’un travail sur l’importance de la mobilisation au sein d’une société, d’une démocratie.


> Signez et partagez la pétition > soutenir l’Aquarius et sa mission de sauvetage en mer

Tous avec SOS Méditerranée

Extrait de la campagne #saveaquarius Paris. Nous soutenons l’Aquarius/SOS Méditerranée ! Vous aussi rejoignez-nous en nombre et participez au grand rassemblement de soutien, ce samedi 6 octobre dans différentes villes de France et d’Europe > http://www.sosmediterranee.fr/evenements > signer la pétition
(cliquer sur les images pour agrandir) Lire la suite de « Tous avec SOS Méditerranée »

Soutenir SOS Méditerranée : une mobilisation vitale

« Au-delà des milliers de vie en jeu en Méditerranée, au-delà des attaques contre l’Aquarius / SOS Méditerranée, c’est l’obligation d’assistance à personnes en détresse qui est bafouée« . – Sophie Beau, directrice générale de SOS Méditerranée

L’association de sauvetage en mer SOS Méditerranée/l’Aquarius lance un appel urgent aux gouvernements européens afin qu’elle puisse poursuivre ses missions en Méditerranée centrale. Une opération de mobilisation citoyenne (pétition, rassemblement) est aussi mise en place. Créée en mai 2015 pour sauver les personnes migrantes en détresse, elle intervient dans une zone considérée comme la plus meurtrière (déjà 1549 morts depuis début 2018, pour le chiffre connu, près de 17 000 depuis 2014).

• Une action humanitaire entravée
Pourtant, sous la pression du nouveau gouvernement italien, lequel refuse de laisser débarquer toute personne migrante secourue en mer depuis son arrivée au pouvoir en juin 2018, le Panama a annoncé qu’il allait retirer à l’ONG le pavillon accordé quelques semaines plus tôt. Rappelons que SOS Méditerranée agit systématiquement dans le respect le plus strict du droit maritime international et intervient chaque fois en collaboration avec le MRCC (centre de coordination des secours en mer). C’est ce dernier qui doit désigner un port sûr et le plus proche possible pour le débarquement des personnes rescapées.

• Un port « sûr » : de quoi parle-t-on ?
La définition de lieu et donc de port sûr est parfaitement claire :
– La vie et la sécurité des personnes secourues n’y est plus menacée ;
– il est possible de subvenir à leurs besoins fondamentaux (abris, vivres, soins médicaux).
De plus, je cite, il y a  » La nécessité d’éviter le débarquement dans des territoires où la vie et la liberté des personnes qui affirment avoir des craintes bien fondées de persécution seraient menacées est à prendre en compte dans le cas de demandeurs d’asile et de réfugiés récupérés en mer » (6.17 de la Résolution MSC.167).

• La Libye : un « lieu sûr » pour personne
En ce sens, les ports de la Libye sont exclus. D’une part, car Lire la suite de « Soutenir SOS Méditerranée : une mobilisation vitale »

« Trouble », de Turbulences! : dernière

Vite ! Plus que quelques places disponibles pour la dernière représentation de « Trouble » ce soir, la nouvelle création de la compagnie Turbulences ! Un questionnement étincelant et frontal sur les notions d’enfermements et de liberté. «  Être comme nous ou ne pas être  » – Philippe Duban.
Résa sur turbulences

Réunion : le RSMA-R sur tous les fronts

Lutte contre la dengue à La Réunion : les jeunes volontaires du régiment du Service militaire adapté de la Réunion (RSMA-R) en renfort pour informer la population, prévenir et enrayer l’épidémie.

Chaque année, près de 6000 jeunes Ultramarins suivent une formation professionnelle et citoyenne de 6 à 12 mois au sein de ce dispositif militaire d’exception présent dans 7 régiments d’Outre-Mer. En collaboration étroite et permanente avec les acteurs locaux, la réussite du SMA associe l’expertise et l’engagement fort de ceux qui le composent, une connaissance de long terme des spécificités (sociale, éducative, économique, environnementale, sanitaire…) et des capacités d’emploi de chaque DOM et COM. Ce, en proposant un cadre de vie structuré exigeant et à forte valeur humaine. Plusieurs régiments du SMA seront à l’honneur et défileront cette année le 14 juillet sur les Champs-Élysées.

©Virginie de Galzain

Le site du reportage https://unenjeudavenirs.wordpress.com
Le site du SMA http://www.le-sma.com

David Goldblatt

I think we must never forget that the price of liberty is very high and you have to keep at it all the time. You can’t not keep watching‚ you’ve got to keep watching because otherwise the rot creeps in.
.

En hommage au photographe David Goldblatt qui nous a quittés hier : la mémoire humaine, sociale, documentaire de 60 ans de l’histoire des Sud-Africains et de l’Afrique du Sud. Photo prise à Paris, en février 2018, lors de la présentation de son exposition rétrospective au centre Pompidou.

david goldblatt, paris fevrier 2018

©Virginie de Galzain

REVOIR :
– David Goldblatt in conversation http://www.tate.org.uk/context-comment/video/david-goldblatt-conversation
Activisme visuel https://www.arte.tv/fr/videos/053284-000-A/activisme-visuel/

Éclat d’obus : récit d’une blessure de guerre

À l’occasion de la Journée nationale des blessés de l’armée de de Terre, réédition de ce témoignage. Sa reproduction, même partielle, est interdite

« J’ai bien failli y passer. J’étais en opération extérieure (Opex) en Afrique subsaharienne. Ça tirait de partout. Des cris. Des balles qui sifflent. Et puis plus rien. J’ai pris un éclat d’obus derrière la tête. Heureusement, j’avais mon casque ; sinon je ne serais plus là pour te parler.

Quand je me suis réveillé, je me souvenais de tout. Parfois, c’est le trou noir, le vide. Mais pour moi, tout défilait devant mes yeux comme si j’y étais. C’était une sensation terrible d’être conscient… Conscient de ce qui s’était passé. Conscient d’être là, « vivant », les yeux ouverts, allongé dans un lit. Conscient qu’on n’a peut-être plus que ses yeux pour regarder. Et pour voir quoi ? Et le reste ? Tu es « là », mais tu ne sens pas ton corps. Je me souviens de violentes douleurs à la tête… J’avais l’impression qu’elle allait éclater.

Tu te demandes : « Est-ce que je suis entier ? Est-ce que j’ai perdu un membre ? Deux ? Peut-être plus ? » C’est terrible. Tu ne peux pas imaginer…. Se dire que tout est possible, surtout le pire… Pour l’instant tu ne sais pas…

Alors tu pars à la recherche de toi-même.

Les jambes d’abord :  » Est-ce que j’ai ma jambe droite ?  » Tu y vas doucement parce que tu ne sais pas dans quel état c’est, si c’est encore là, ou pas. Et tu arrives à bouger un peu la jambe droite. Tu sens qu’elle est là et qu’elle semble entière. En tout cas, c’est ce que tu te dis. Tu t’accroches à ça…Puis tu passes à la gauche, avec une appréhension épouvantable. Lentement, tu te concentres et soulagement, la deuxième jambe est aussi là… Tu attends… Tu veux savoir pour les bras. Et si…

Tu préfèrerais ne pas y penser mais impossible de s’en empêcher. Et si… Mais tu dois savoir. Tu parviens à bouger ton bras gauche, à sentir ton épaule, l’avant-bras, les doigts de la main. Tu ne peux pas faire d’efforts, mais… Tu fermes les yeux… Tu pries pour que « tout aille bien ». Raconté ainsi, ça passe vite n’est-ce pas ? Mais chaque seconde est une éternité. Chaque tentative est habitée de Lire la suite de « Éclat d’obus : récit d’une blessure de guerre »

A lire : Enfance, au cœur des souffrances

À lire absolument, le dossier du quotidien La Croix réalisé avec la Brigade de protection des mineurs. Pousser la porte de l’intime et lire les mots d’enfants victimes de violences et de maltraitances inacceptables. Une urgence absolue : les protéger, prévenir et faire connaître très largement cette réalité massive, invisible et taboue pour mieux agir.

Extrait : « Du haut de ses 7 ans, Enzo se raconte volontiers : l’école, les bagarres avec son cadet et « papa qui gronde ». Comment ? « Parfois ça fait mal. Parfois moyen mal », lâche-t-il, refusant d’en dire plus, « sinon mes parents disent que ça va faire toute une histoire ». Et puis, sans prévenir, il devient intarissable. Et raconte ce père qui lui « cogne la tête contre le mur quand la chambre est trop en désordre », les « coups de chaise » lorsqu’il est trop bruyant. Et « les mains de papa qui serrent très fort le cou », ajoutant dans un rire forcé : « Il dit toujours qu’il va m’étrangler mais il ne le fait jamais ! » Dehors, le ciel hésite entre le bleu parme et le gris cendre. « Tu ne diras rien, hein ? Sinon, ça va recommencer », s’inquiète- t-il, en fin d’audition.  » Lire la suite de « A lire : Enfance, au cœur des souffrances »

Remember

Extrait d’archives, série « Pour la paix à Gaza« . Manifestation de soutien aux Palestiniens face à l’opération israélienne « Plomb durci », janvier 2009.

Lire le rapport d’information du Sénat à ce sujet  https://www.senat.fr/rap/r08-630/r08-63019.html

manif_pour la paix gaza_virginie de galzain
Paris, 10 janvier 2009 © Virginie de Galzain

Madagascar : ’47, portraits d’insurgés’, de Pierrot Men & Raharimanana

• Texte Virginie de Galzain. Citations extraites d’entretiens réalisés en 2009

47. 1947. 29 mars 1947 : le point de départ d’une insurrection anti-coloniale dont la répression, les tortures, massacres et exécutions sommaires ont meurtri des familles entières et causé plusieurs dizaines milliers de morts à Madagascar.

Art, Histoire et Mémoire. Quand Raharimanana, écrivain et dramaturge, s’associe au photographe Pierrot Men, cela donne 47, portraits d’insurgés, un projet images / textes d’une force inédite, unique mémoire des survivants de l’insurrection de 1947. Sensible et pédagogique, politique et engagée, cette œuvre – présentée à plusieurs reprises sous forme d’exposition depuis 2009 – est pérennisée par l’ouvrage du même nom(1). Aperçu et extraits de longs entretiens très privilégiés.

extrait de 47, portraits d'insurges_Raprosy et l'enfantRaprosy ©Pierrot Men

47. 1947. 29 mars 1947 : le point de départ d’une insurrection anti-coloniale dont la répression, les tortures, massacres et exécutions sommaires ont meurtri des familles entières et causé plusieurs dizaines milliers de morts à Madagascar. Une période méconnue aux frontières de l’horreur et de la civilisation, restée dans l’ombre de l’histoire coloniale française. Pour Raharimanana,  « les gouvernements actuels (français et malgache) ne veulent pas parler de 1947, car ce serait une forme de compromission, reconnaître et endosser toutes les erreurs de leurs devanciers, et reconnaître que leurs pouvoirs se basent aussi sur cette occultation de la mémoire.  »
(NDLR : ces propos ont été recueillis en 2009. En 2016, lors du sommet de la Francophonie qui se tenait à Madagascar, le président François Hollande a reconnu pour la première fois les crimes commis par la France coloniale en 1947 : une reconnaissance, non des excuses).

extrait de 47, portraits d'insurges_Henriette Vita
Henriette Vita, survivante, est décédée trois mois après cette rencontre ©Pierrot Men

À la rencontre du silence
Ce projet est une histoire de rencontres. Celle de deux artistes qui placent l’homme au centre de leur démarche, dans un monde où les enjeux économiques et politiques sont rois. Et celles de deux hommes Lire la suite de « Madagascar : ’47, portraits d’insurgés’, de Pierrot Men & Raharimanana »

‘March for our lives’ : la jeunesse américaine mobilise

 »We have the power to change the worl around us.
We cannot change the past. But we can fight to build a better future
 ».

Mobilisation exceptionnelle et courage de la jeunesse américaine initiatrice et actrice de la March for our lives pour un meilleur contrôle des armes et contre la violence armée de masse. À ses côtés, des familles, des citoyens engagés de la société civile et militaire et de nombreuses personnalités.
Le point de départ de ce mouvement : la tuerie de masse de trop, dans le lycée Marjory Stoneman Douglas de Parkland (Floride) le 14 février dernier. En moyenne, une fusillade a lieu chaque semaine en milieu scolaire aux États-Unis (en lissant), soit près de 300 depuis 2013.

Voir le direct-la rediffusion de la manifestation / Live scenes from the march against gun violence in Washington >


À VOIR / ÀSUIVRE :
• Le site du mouvement March for our lives
• Le site du projet « Veterans for gun reform« , du réalisateur et vétéran de l’armée américaine Kyle Hausmann-Stokes
#neveragain #enoughisinough

Monde : les enjeux de l’accès à l’eau

En marge du Forum mondial de l’eau, en cours jusqu’au 23 mars au Brésil, le point sur les enjeux de l’accès à une eau potable et assainie pour tous.

Ressource naturelle vitale, l’eau s’épuise et se raréfie. Au cœur de la survie planétaire, l’or bleu sonne comme un défi de plus dont les enjeux, comme les contraintes sont à la fois humains, sanitaires et alimentaires, environnementaux, économiques et politiques. Pauvreté, pollution, réchauffement climatique, gaspillage, conflits, accroissement de la population mondiale sont parmi les causes – ou conséquences – directes de la pénurie d’eau.

• XXIe siècle : quid de l’accès à l’eau ?
Paradoxalement, bien que la Terre soit composée à près de 70% d’eau, environ 0,5% (sur les 3% d’eau douce) est utilisable par l’homme. En 20 ans, grâce aux progrès réalisés en matière d’assainissement et d’alimentation en eau, 2 milliards d’êtres humains de plus ont pu avoir accès à une eau potable. MAIS environ 2,1 milliards de personnes (30 % de la population mondiale) ne bénéficient toujours pas d’accès domestiques à cette eau potable et environ 2,3 milliards de personnes (33 % de la population mondiale) n’ont pas d’installations sanitaires de base*. Des chiffres à prendre de façon indicative – d’autant que la population augmente rapidement – pour une situation qui constitue une menace pour l’équilibre mondial.

• Un enjeu vital
Dans les pays les plus pauvres ou en voie de développement, principalement situés en Afrique et en Asie, le manque de moyens et/ou de volonté politique ne permet pas de mettre en place les aménagements nécessaires et suffisants pour traiter l’eau, la purifier et la rendre accessible tant matériellement que financièrement. À cela peut s’ajouter une méconnaissance de l’utilisation et de la gestion de l’eau, dans le cadre d’activités de production par exemple. D’où la prolifération continue ou chronique de maladies et épidémies liées (diarrhées, paludisme, choléra, …) voire de la famine. Une prolifération qui peut aussi être provoquée ou accentuée par des variations climatiques ou des catastrophes naturelles, fréquentes dans les zones concernées.

Conséquence : chaque année, en raison de maladies liées à une eau contaminée, on recense plusieurs millions de décès dont celui de 1,5 million d’enfants de moins de 5 ans (plus de 4 000 enfants par jour !). Ce, dans des pays où l’accès aux soins demeure insuffisant. Difficile aussi dans ces conditions de résoudre la question de la faim dans le monde et de produire une alimentation de qualité. Au problème de l’accès inégal à l’eau potable d’une partie du monde à l’autre, s’ajoute celui de la quantité d’eau disponible par habitant. Et selon les derniers rapports, celle-ci devrait diminuer de moitié d’ici à 2050.

• Une défi planétaire
À des échelles différentes, tous les pays sont concernés. En effet, les états récurrents ou persistants de sécheresse, l’exploitation excessive de l’eau – notamment pour l’irrigation et l’élevage -, et de façon indirecte la modification des comportements alimentaires favorisent la réduction des niveaux d’eau.

D’autre part, les pays industrialisés doivent redoubler de vigilance face aux usages qui dégradent depuis des décennies la qualité et la quantité de l’eau : les rejets industriels de produits chimiques et des eaux usées, l’utilisation massive d’engrais et de pesticides dans certaines pratiques agricoles ; sans compter une activité humaine négligente (gaspillage, surconsommation, cultures inadaptées au climat ou forcées, installations luxueuses).

• Eau = marchandise = luxe
Dans certaines parties du monde, des jardins luxuriants et piscines sont un luxe provocateur insupportable à quelques mètres parfois de logements insalubres et autres bidonvilles nés d’une urbanisation galopante. Les habitants de ces derniers n’ont souvent pas accès à l’eau courante (réseau de distribution classique si vous préférez) et se voient alors contraints d’avoir recours à des services privés de distribution (de l’eau en bouteille au prix prohibitif à celle acheminée par un camion citerne pas toujours contrôlée par les services sanitaires) coûtant a minima 10 à 15 fois plus cher que les services publics dont bénéficient les plus favorisés.

Notons que ces services privés, si nécessaires peuvent-ils être, ne sont pas des solutions de long terme et permettent parfois/souvent, en attendant, à des multinationales comme à des producteurs d’eaux embouteillées (la France et la Suisse en tête) d’augmenter leur chiffre d’affaires : les pays dits « émergents » mais aussi les moins émergents représentant un marché important. À qui ceci profite-t-il le plus ? Je pose la question…

• Le pouvoir et l’interdépendance
Outre les impacts sur la santé et l’alimentation, le manque d’eau ou d’eau potable a des conséquences sur l’accès à l’éducation quand elle est possible : les enfants affaiblis par la malnutrition et les maladies associées ne peuvent plus aller à l’école ; une réalité accentuée pour les filles et jeunes filles que l’on charge de la récupération de l’eau entre autres tâches ménagères. Le développement agricole et économique, l’autonomie des populations sont donc concernés de fait. Ainsi se perpétue une des spirales de la pauvreté et de la dépendance.

Des enjeux qui prennent des visages forcément politiques dans la mesure où de nombreuses ressources d’eau traversent plusieurs pays, les rendant de facto interdépendants. Elles peuvent donc constituer de multiples occasions de divisions et de tensions liées à la gestion de l’eau de part et d’autre des frontières, devenir un dangereux moyen de pression, voire une arme diplomatique ou de guerre. Chaque action dans un des états ayant des implications parfois irréversibles chez son voisin tant sur le plan humain que sur les plans agricole, industriel, énergétique, domestique et environnemental.

• Agir pour le long terme
L’urgence, c’est une redéfinition des projets économiques et politiques, compatibles avec la vie de l’homme et favorables au développement de la planète. Durable, évidemment, car qui dit développement dit durabilité. Ce qui suppose d’admettre que nous savons ce qu’il faut faire – car nous le savons – et de le rendre possible !
Faciliter un accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous ; négocier et pérenniser des accords transfrontaliers pour garantir la sécurité, le développement et la survie des peuples ; consommer et utiliser moins et mieux ; mettre en place des moyens de préserver la qualité et la quantité de nos ressources – notamment en eaux souterraines, et anticiper sur les risques climatiques sont des conditions sine qua non pour assurer notre avenir. Eau, pauvreté, alimentation, développement, santé, paix, sécurité, durabilité : tout est lié.

*Sources : OMS, UNICEF


.
SITES À CONSULTER
– Le forum mondial de l’eau 2018 : http://www.worldwaterforum8.org/en
– Le World water day : http://worldwaterday.org/
– L’OMS : http://www.who.int/fr/
– L’association Solidarités international https://www.solidarites.org/fr
– La coalition Eau http://www.coalition-eau.org/
– L’UNICEF : https://www.unicef.org/fr

10 ans de Médiapart : le colloque en ligne

Pour ceux qui n’ont pas pu être là aux 10 ans de Médiapart, quelques images prises en passant lors du samedi après-midi « marathon » : Écologie VS inégalités, Liberté et indépendance de la presse, Photojournalisme et numérique, et en avant-première : les coulisses du projet Zéro impunity et la projection du documentaire Depuis Mediapart.

.
À voir : la rediffusion intégrale du colloque du 16 mars (également disponible en séquences individuelles sur ce lien). Les thèmes abordés : Quelle vérité ? ; Les défis du journalisme d’enquête ; Le numérique comme arme. Comment trouver la vérité ? ; Informer en milieu hostile ; Digitalisation et démocratisation : qui est le gardien du savoir ? ; Le mensonge à l’ère numérique et Pourquoi la vérité ?.

• Le site de Mediapart

Mediapart fête ses 10 ans !

Pour fêter ses 10 ans, le site d’information indépendant Médiapart vous donne rendez-vous au 104 (Paris) toute la journée de 11h à 23h. Rencontres avec la Rédaction, débats, conférences, expositions, projections… et une offre d’abonnement exceptionnelle valable jusqu’à dimanche 18 mars.
Programme complet sur > https://festival.mediapart.fr/ 

Lire la suite de « Mediapart fête ses 10 ans ! »

RSMA-R* : portrait de femme.5

reportage SMA - rsmar - virginie de galzain©Virginie de Galzain

Moment de repos après les exercices de la matinée ; journée d’aguerrissement adaptée au centre d’entraînement commando de La Réunion. Extrait du photoreportage Le SMA, un enjeu d’avenirs

*Régiment du Service militaire adapté de la Réunion

Syrie : L’appel de Raphaël Pitti

À écouter en intégralité.
Syrie : Raphaël Pitti, médecin humanitaire et ancien médecin militaire, entre autres, rappelle à nouveau l’urgence d’agir : « La population est affamée, des enfants meurent, tous les crimes de guerre ont été perpétrés en Syrie. Le peuple syrien souffre depuis 7 ans. Chacun fait sa guerre sans se préoccuper de la population. Nous sommes devant une crise humanitaire d’une terrible horreur. Et je suis encore effondré devant l’absence et le silence du monde libre par rapport à ce qui se passe. »

> À lire aussi sur ce blog : Paroles d’enfants syriens

Cinéma : Eriq Ebouaney

L’acteur français Eriq Ebouaney est actuellement à l’affiche d’Une saison en France, du réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun*.

eriq ebouaney_virginie de galzain
©Virginie de Galzain

Aux côtés de Sandrine Bonnaire, il y incarne le rôle d’Abbas. Au quotidien, un homme, professeur de français, tente de reconstruire sa vie et celle de ses deux enfants en France après avoir fui la République Centrafricaine. Le visage d’une réalité faite d’errance et d’incertitudes angoissantes suspendues à l’attente du statut de réfugié ; de rencontres porteuses d’espoir et d’amour aussi. Ce destin d’une famille déracinée fait écho à celui de millions d’autres en sursis, qui tentent de continuer à vivre comme tout le monde, avec la mémoire de ce qu’elle a violemment éprouvé.


* Mahamat-Saleh Haroun, notamment réalisateur de Un homme qui crie, Grigris et Hissein Habré, la tragédie tchadienne a accepté d’être ministre du Développement touristique, de la Culture et de l’Artisanat depuis février 2017

7 janvier, tous avec Charlie : pensées pour…

Tous avec Charlie, Paris, pl. de la République, 7 janvier 2015 ©Virginie de Galzain

3 livres coup de cœur

livres engages

Beaux et poignants, ces livres sont pour tous. Si certains doutent encore de certaines réalités, ces ouvrages relaient des témoignages d’une vérité incontestable :
celle des violences (sociales, physiques, psychiques) faites aux hommes y compris chez nous ; celle du courage de celles et ceux qui les vivent et les surmontent dans l’espoir, simplement, d’une vie meilleure.

Spéciale dédicace à Lire la suite de « 3 livres coup de cœur »

Migrants day : l’appel de SOS Méditerranée

Nous avons tous le même rêve : vivre en paix et en sécurité. Partageons-le !
Pour des migrations en sécurité et un accueil digne des personnes qui ont fui leur pays pour (sur)vivre.

©SOS Méditerranée

« Depuis l’année 2000, plus de 46 000 personnes traversant la Méditerranée sont mortes en mer en tentant de rejoindre l’Europe, phénomène qui ne fait que s’aggraver ces dernières années. L’année 2016 a été la plus meurtrière de l’histoire de la Méditerranée, avec 5 079 morts« . Source > www.sosmediterranee.fr < faire un don régulier

Lire la suite de « Migrants day : l’appel de SOS Méditerranée »

‘Déflagrations’ : entretien avec Zérane Girardeau

– Maman, c’est vrai ces dessins ? C’est la vérité ?
– Oui mon chéri, c’est la vérité, ce sont des enfants qui racontent leur histoire. ”

*Interview : Virginie de Galzain, photographe et journaliste

Bribes d’un échange saisi au vol parmi tant d’autres, le jour où j’ai vu l’exposition, un jour d’octobre. Cette exposition, c’est Déflagrations, à découvrir absolument jusqu’au 16 décembre à la Médiathèque André Malraux de Strasbourg. La première exposition extraite du projet du même nom, bouleversante et historique, tant par la force de ce qu’elle raconte, les réflexions urgentes qu’elle suscite et son caractère inédit : des dessins réalisés par des enfants témoins, victimes et parfois acteurs des guerres, conflits et crimes de masse au cours des 100 dernières années.

Pour la première fois, ces paroles graphiques sont rassemblées, valorisées et données à voir et à lire comme source d’Histoire et d’histoires. Témoignages d’une force inouïe, ces dessins sont l’expression très concrète et brutale des souffrances causées par les horreurs vues et vécues. Des traces de mémoire, d’histoire et de Lire la suite de « ‘Déflagrations’ : entretien avec Zérane Girardeau »

Humanité VS Précarité

« Une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela  dure. (…) Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris. » – L’Abbé Pierre

À découvrir : la nouvelle campagne de la fondation Abbé Pierre

• Le site de la Fondation www.fondation-abbe-pierre.fr

Conflits : protégez les civils !

Les civils et les personnels soignants/aidants ne doivent plus être des cibles ni des boucliers !  À l’occasion de la Journée mondiale de l’aide humanitaire, l’ONU lance à nouveau un appel aux États sur l’urgence de renforcer la protection des civils et de faire respecter leurs droits contre toute forme de violences, exploitations, destructions consécutives aux conflits. Eux et ceux qui les soignent/aident sur le terrain.

Nous pouvons tous participer en signant cet appel sur le site worldhumanitarianday.org/fr. Tout est utile, une signature = une voix, une personne de plus qui s’engage et conforte une mobilisation mondiale qui doit être la plus importante possible pour être efficace.

Un enfant sur 9 vit aujourd’hui dans une zone de conflit

N’oublions pas qu’un enfant sur 9 vit aujourd’hui dans une zone de conflit*, avec tout ce que cela implique comme risque de violences subies, traumatismes psychologiques et physiques, de perdre sa famille, de ne pouvoir aller à l’école ni se faire soigner, d’être enrôlé dans des forces armées, d’être réduit en esclavage domestique ou sexuel, de devoir fuir son pays parfois.

La paix est une urgence mondiale : tout doit donc surtout être fait pour tendre vers elle et prévenir les conflits partout et pour tous.

* source Rapport 2016 Action humanitaire de l’UNICEF pour les enfants

Stanley Greene : hommage

ON DOIT PRENDRE DES PHOTOS AVEC LE CŒUR, PAS AVEC LA TÊTE.

L’immense photographe Stanley Greene nous a quittés cette nuit. Un homme qui a tout donné et tout sacrifié pour témoigner et informer. Un homme sans concession, révolté par l’inhumanité. Un combattant engagé dans une démarche éthique fondée sur la vérité, la réalité, la mémoire, l’homme. Quelqu’un que l’on aimait autant voir qu’écouter.

Né en 1949, photographe dit “ de guerre ”après avoir été notamment photographe de mode, Stanley Greene était surtout un photographe de la vie. D’une certaine vie, qui un jour dérape pour sombrer, faire sombrer dans le chaos, la douleur, la violence, la domination, la soumission, la mort. Au-delà du pire scénario. Car là, c’est bien le monde réel qui s’affiche, un monde contemporain “ plus d’actualité que jamais ” selon la dérisoire formule consacrée : celui d’êtres humains déchainés de haine, de pouvoir, ou soumis à la barbarie la plus insupportable, la plus inimaginable. Ce monde rempli ici ou là d’atrocités, de celles qui deviennent paradoxalement, ironiquement historiques.

Cofondateur de NOOR images, récompensé par de nombreuses distinctions photographiques, Stanley Greene a couvert les conflits pendant près de 30 ans, guidé par cette insatiable quête – “ Essayer de comprendre pourquoi les humains se comportent de cette façon (…), aller où c’est en train de se passer pour comprendre.”  – et cet état extatique dans lequel on se retrouve quand on sait que c’est là qu’on doit être. C’est ça la photo. S’oublier, faire corps avec ce qui vous entoure, prendre des photos, vivre. Et garder vivant ce que d’autres aimeraient mieux cacher, oublier. Quitte à y perdre chaque fois un peu de soi-même. La vérité exige du courage. La vérité, quelle qu’elle soit, a toujours un prix.

Pour mieux comprendre, il faut regarder encore et encore ses photographies en noir et blanc (pour la plupart), celles qui traversent Black Passport par exemple. Un carnet de bord publié en 2009 avec, en fil rouge, les questionnements, les sentiments de Stanley Greene, et des repères personnels toujours intenses, perturbés ou perturbants, justes et honnêtes. Trente ans de vie en textes et en images traversée par ses débuts, la mode, San Francisco ; ces femmes lumineuses qui ont compté et surtout ces conflits qui marquent au fer rouge. Sud Soudan, Caroline, Zaïre, Tchétchénie, Asya, Moscou, Anna, Irak, Afghanistan… composent 26 scènes de vie, d’amour, de photographie. Parce que le photographe de guerre n’est pas un héros, mais avant tout un homme ; “ un papillon de nuit – je le cite – qui se jette dans les flammes.

Stanley Greene a tout donné et tout sacrifié pour informer, plaider, être auprès de ceux qui vivent des violences inouïes. Lors d’un entretien très intense paru dans Polka magazine en septembre 2016, il confiait à Dimitri Beck : « C’est comme si j’avais passé un pacte avec le diable pour essayer de mener à bien ma carrière. Mais il m’a dépouillé, a pris mon argent, ma vie personnelle, ma santé. Tout. (…) Mais je ne regrette rien. »

Référence absolue de la photographie, et une des miennes, il était d’une présence sensible, généreuse et magnétique. II nous laisse un héritage photographique et moral exceptionnel ; des images qui nous  » collent au mur » ; cette nécessité impérative pour nous, photographes, de « savoir pourquoi on prend les photos » et des étincelles de passion à partager pour résister encore.


> Stanley Greene/NOOR images
http://noorimages.com/photographer/greene/
> Black Passport. Schilt Publishing (édition originale) & Textuel (version française). 170 x 225 mm. 288 p. 45 €.

 VOIR, ÉCOUTER : EYES ON SYRIA’S SHATTERED LIVES